La force du rapport et des nombreux travaux qui y ont abouti réside principalement à mon avis dans le fait que l’avenir du livre y est traité de tous les points de vue des acteurs de la chaîne du livre ; auteurs, éditeurs, libraires et bibliothécaires. Une intervention portant sur la médiation soulignait celle effectuée par l’éditeur dans la lecture et le choix des manuscrits, du libraire dans la sélection de livres proposés à la vente, et celle du bibliothécaire bien sûr, qui m’est plus familière.
Les travaux (tables rondes et colloque) ont traité de l’avenir du livre en particulier au regard de l’évolution du numérique et de l’émergence d’une nouvelle économie du livre qui en découle.
Le rapport décline ainsi 50 propositions du livre, en reprenant chaque secteur de la chaîne du livre comme destinataire de ces mesures ;
- la création, avec le soutien aux auteurs, traducteurs et illustrateurs, à leur couverture sociale,
- l’édition, avec le soutien aux petites maisons d’éditions, la défense du livre français à l’étranger, mais aussi le soutien à la numérisation d’ouvrages soumis au droit d’auteur et la définition de conditions satisfaisantes de diffusion de ces ouvrages,
- les librairies, avec la création souhaitée d’un label de la Librairie Indépendante de Référence LIR, et plus généralement le soutien financier aux libraires
- les bibliothèques enfin, avec des aides à la valorisation du patrimoine écrit et à sa numérisation en région, avec l’objectif global de réduire la fracture sociale liée à la lecture publique, en élargissant les horaires d’ouvertures, en rapprochant bibliothèques municipales et universitaires, en développant la notion de services publics multiples pour les bibliothèques de proximité…
La naissance du Conseil du Livre, annoncée ces derniers jours, voit la création d’un organe interprofessionnel et interministériel dont l’objectif sera de débattre, mener des études et mutualiser les pratiques les plus intéressantes pour les métiers du livre.
En ce qui concerne les bibliothèques, je m’arrêterais sur les deux propositions fortes d’ouverture le dimanche (proposition 31) et des « maisons de services publics » (proposition 33).
L’ouverture le dimanche fait, c’est peu dire, débat au sein de la profession. Je consultais il y a peu quelques échanges sur le sujet sur Biblio-online, et les inquiétudes sont fortes et à mes yeux légitimes. Aussi légitime que l’intérêt pour l’usager que je suis d’accéder à la bibliothèque publique le dimanche…
Que dit le rapport ? D’abord qu’avec un moyenne nationale de 20 heures hebdomadaires d’ouvertures, la France est loin derrière ses collègues européens, qui ont depuis de nombreuses années des ouvertures élargies, et pas seulement pour quelques établissements phares. Après ce constat culpabilisant (mais pourquoi n’a-t-on pas élu Tony Blair en 2007 ?!) sur le modèle parfait anglo-saxon, le rapport développe une piste intéressante et inquiétante à la fois, celle de l'emploi des étudiants pour l’ouverture dominicale. Intéressante parce que nombreux sont les étudiants à rechercher un salaire, même modeste, pour financer une partie de leurs études. Inquiétant parce que la question de la qualification et du rôle du bibliothécaire est absente du rapport ou presque ; qu’en est il de la nécessaire formation de ces étudiants à la médiation propre aux bibliothèques ? Que fait on dans les petites structures, avec 5 ou 6 agents qualifiés, puisque le rapport précise que le travail étudiant viendrait compléter la présence de titulaires ?
Les choses méritent vraiment une clarification. Je suis personnellement intéressé par le travail le dimanche (un salaire revalorisé, je n’ai pas de charge de famille, et je suis fan de Gréco chantant « je hais les dimanches ») mais… Cette ouverture me paraît soumise à des préalables importants ; la formation des étudiants salariés ; une formation réelle, pas de pure forme, qui garantisse un service public de la lecture. Le volontariat comme condition sine qua non au travail de titulaires le dimanche. L’évaluation d’un tel dispositif ; nous apporte-t-il de nouveaux lecteurs ? Ou permet il « seulement » aux habitués d’étaler leur fréquentation ?
La réflexion, importante, reste à mener sur ce thème.
Sur le deuxième point, qui concerne l’intégration de la médiathèque dans une offre plus « polyvalente » de services publics, je suis perplexe et curieux. Perplexe parce que l’exemple cité des POMs du massif de Mouthoumet soulève quelques questions ; un employé très polyvalent remplit les fonction d’épicier, guichetier de La Poste, animateur multimédia, « prêteur de livres » plutôt que bibliothécaire… Si je trouve la proximité de services sociaux et culturels, et pourquoi pas marchands intéressante (d’où ma curiosité), je l’imagine efficace si les spécificités et plus values de chaque métier sont garanties. L’expérience des ruches, qui juxtaposent une médiathèque avec une école de musique, un office de tourisme, une permanence ANPE me séduit. En revanche, prendre un peu de ces lieux différents et les mixer en un seul ne me paraît pas garant d’un meilleur service public, au mieux d’un service public en mode dégradé répondant à des situations géographiques particulièrement contraignantes…
Il serait intéressant de voir, dans les mois et les années qui viennent, l’évolution et l’application de quelques unes des 50 propositions du rapport…
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