Avant même de mettre en place des actions de « re-médiation » en direction de l’usager non autonome, la bibliothèque doit construire les conditions de cette autonomie, par un environnement, une pratique, une attention dans tous les actes professionnels qui placent l’usager au centre de ses préoccupations.
Il en va ainsi de la communication visuelle dans la bibliothèque. Nombreuses sont les bibliothèques qui remettent, lors d’une première inscription, un guide de l’usager. Selon les bibliothèques, ce guide regroupe principalement les règles de prêt, celle du « vivre ensemble » de la bibliothèque, un plan des locaux. Ce guide doit être élaboré en pensant au moins autonome de nos usagers, l’informer clairement sur l’aide que les bibliothécaires peuvent lui apporter dans ses recherches, inclure une présentation, même brève, de l’écran de recherche OPAC, bannir autant que possible les termes professionnels. La première inscription d’un usager devrait, dans l’idéal, faire l’objet, outre de la remise d’un guide, dont la lecture requiert déjà trop souvent une relative autonomie, d’un entretien, à tout le moins d’un échange entre le bibliothécaire et l’usager, pour déterminer son degré d’autonomie, et dés ce premier contact, privilégié puisque volontaire de la part de l’usager, les ateliers d’aide à la recherche documentaire, les visites de la bibliothèque, pourraient alors être proposés, ceci pour signifier à l’usager que sa « réussite documentaire » est bien la préoccupation de la bibliothèque à laquelle il vient, le plus souvent, de faire un chèque…
La signalétique est elle aussi un élément déterminant pour asseoir l’autonomie de l’usager. A la présentation par affichage du plan de classification, d’autres formes de repérages des collections peuvent être combinées. Les codes couleur de la signalétique de la BPI vont dans ce sens. Si l’usager associe à sa thématique de recherche une couleur en même temps qu’un indice, même basique, de classification, son repérage visuel dans les collections en sera simplifié. Des priorités et une forme de hiérarchie doivent servir à élaborer une signalétique riche de sens pour l’usager. Distinguer le signalement des collections de l’orientation « géographique » dans la bibliothèque permet de communiquer à deux niveaux avec l’usager ; l’information qui signale l’espace d’exposition temporaire, les toilettes ou la salle détente doit être différenciée de celle qui oriente vers les sciences sociales, les romans ou les DVD. Idéalement, cette signalétique sera servie par une configuration intelligente des locaux ; les projets architecturaux récents, outre leur esthétique extérieure, ont été définis le plus souvent avec des professionnels de la future bibliothèque, qui ont fait part de leurs exigences en matière de circulation, de délimitation des espaces, d’organisation des collections. Dans d’autres cas, où la bibliothèque a du s’adapter à des locaux existants, la signalétique dépasse son objectif de simple communication visuelle, et remplit celui de palier aux manques du bâtiment, de résoudre les problèmes induits par des locaux inappropriés.
Après la communication écrite, puis visuelle de la bibliothèque, comment ignorer la communication verbale qui va jouer un rôle déterminant dans l’autonomisation de l’usager. Je veux traiter ici de l’accueil de toute personne, inscrite ou non, qui passe la porte de la bibliothèque. Aujourd’hui, le plus souvent, cette fonction, très largement et précisément déclinée dans les référentiels du métier de bibliothécaire, se concentre dans le temps et l’espace à l’entrée de l’usager dans les locaux. Il s’agit le plus souvent d’un guichet, derrière lequel se trouve un bibliothécaire affairé sur un écran et vers lequel l’usager peut se déplacer puis solliciter l’attention et l’aide de l’agent. Cette configuration présuppose que l’usager repère cet espace, s’y dirige, et pose sa question, qui ne peut tout à fait être anodine, puisqu’elle va interrompre l’activité du bibliothécaire qui, qui l’en blâmerait, utilise l’écran à sa disposition pour réaliser des tâches très éloignées de la fonction d’accueil. La configuration des bureaux de renseignements est la même lorsque l’usager se déplace dans les autres espaces de la bibliothèque, c’est dans tous les cas l’usager qui va vers le bibliothécaire et non l’inverse. Pourtant, un autre accueil est possible, plus actif celui là, plus impliquant pour le bibliothécaire. On en a vu quelques illustrations à l’époque des emplois jeunes, et c’est cet accueil fondé sur « l’aller vers » l’usager qui est largement pratiqué dans les bibliothèques anglo-saxonnes par exemple. Imaginons un membre du personnel de la bibliothèque, simple agent, animateur ou bibliothécaire, qui se déplace dans les locaux, qui repère les usagers un peu perplexes devant un écran ou lisant le plan de la bibliothèque ou passant plus de cinq minutes dans un rayon sans un document à la main, qui irait vers cet usager pour lui poser une simple question ; « avez-vous besoin d’aide ? » ou « trouvez-vous ce que vous cherchez ». Dans le cas où l’usager est effectivement autonome, et répond qu’il n’a pas besoin d’aide, l’intervention est terminée, et l’agent peut continuer à circuler. Mais dans l’autre cas, la communication peut s’instaurer, l’accompagnement de l’usager, celui qui l’amènera à trouver sa réponse avec l’aide de l’agent, est initié, et l’acquisition d’autonomie peut commencer. Dans cette configuration d’accueil, c’est la bibliothèque qui assume la démarche d’aide, sans que l’usager n’ait à connaître la frustration de « l’échec » avant de demander, dans le meilleur des cas de l’aide, et dans le pire des cas, de quitter la bibliothèque en se félicitant de ne pas s’y être inscrit.
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