3 mai 2008

Marketing et bibliothèques


"Le marketing est l'effort d'adaptation des organisations à des marchés concurrentiels, pour influencer en leur faveur le comportement de leurs publics, par une offre dont la valeur perçue est durablement supérieure à celle des concurrents" (Mercator, 8e édition, 2006).

Ici la notion de concurrence est très forte. En quoi la bibliothèque publique se trouvent-elle sur un marché concurrentiel ? Les études sur la lecture publiques peuvent nous éclairer sur ce sujet.

L’étude SOFRES de 2006 sur les pratiques culturelles des français classe ces pratiques par ordre d’importance ; ainsi, s’il on regarde plus précisément la lecture publique et par extension la pratique de la lecture en bibliothèque, l’étude la compare aux activité Télévision, musique, cinéma, Internet, Théâtre, comme autant de concurrents à la lecture publique : quand je regarde un film, je ne lis pas.

L’étude du CREDOC qui porte cette fois directement sur les bibliothèques publiques, compare comme sources d’information possibles la fréquentation d’une bibliothèque avec la navigation Internet, la fréquentation d’une librairie, d’un hypermarché, et la sollicitation du réseau relationnel. Là encore, voici une liste de concurrents possibles à la fréquentation de la bibliothèque.

La problématique de la bibliothèque serait alors la suivante : en quoi l’offre de mon établissement est elle plus intéressante, efficace, valorisante pour l’usager que celle de mes concurrents ? Les tendances du marché actuellement, toujours d’après l’enquête du CREDOC, indiquent qu’Internet est presque toujours le moyen d’accès à l’information préféré, devant, parfois loin devant, les bibliothèques.

Ou, s’il l’on réfléchit à la lecture plus généralement, en quoi est il plus intéressant de lire que d’écouter de la musique ou de visionner un film ?

On ne pourra pas véritablement parler de concurrence entre bibliothèques, puisque la politique dans ce domaine, tant nationale que locale, fixe comme règle de fonctionnement la complémentarité et la coopération et non la concurrence.

Cette approche concurrentielle ouvre quelques pistes ; une bibliothèque peut augmenter son offre de service à distance pour être plus présente sur Internet, et « gagner des parts de marchés » sur le WEB dans la recherche d’information, elle peut par des actions auprès des plus jeunes notamment, ou toute autre action telle que « lire en fête », promouvoir et dans une certaine mesure augmenter le réflexe lecture.

Les écarts de pratique très importants qui existent et l’inégalité de la concurrence (la télévision et l’accès Internet sont dans mon salon, la bibliothèque est au mieux dans ma ville) rendent toutefois les effets de ces actions de lutte « de front » contre ses concurrents directs relativement limités, et ne bouleversent pas, si l’on en croit les résultats de ces enquêtes, les grandes tendances du marché.

La définition de Kotler : « Le marketing est l'ensemble des techniques et études d'applications qui ont pour but de prévoir, constater, susciter, renouveler ou stimuler les besoins des consommateurs et adapter de manière continue l'appareil productif et commercial aux besoins ainsi déterminés. »

Ici, on part du besoin des usagers pour définir la production.

Une analyse, de plus en plus fine, des comportements des utilisateurs (fréquentation, documents empruntés, buts des visites, audience des services à distance, …) est déjà en place au sein des bibliothèques publiques, et fait partie intégrante des fonctionnalités des logiciels de gestion de bibliothèques. Cette analyse permet déjà de « prévoir et constater » la pratique de l’usager existant ; elle est plus limitée voire inexistante quand il s’agit d’analyser le non-usager, cible pourtant prioritaire. De cette analyse découle ensuite la mise en place d’actions spécifiques adaptées aux besoins qu’elle a fait ressortir et qui servent à « susciter, renouveler ou stimuler les besoins des consommateurs-usagers ». Les conférences, journées portes ouvertes, lecture publiques, expositions temporaires peuvent avoir, parmi d’autres objectifs, celui d’attirer de nouveaux publics, ou de fidéliser l’usager existant.

Un bémol essentiel doit être apporté ici. Une expérience menée en Allemagne dans une bibliothèque publique a fondé la politique d’acquisition sur une analyse fine des documents les plus souvent empruntés ; la collection de cette bibliothèque est populaire, elle répond véritablement aux demandes des usagers, mais elle s’appauvrit dans une offre qui, bien que plus confidentielle, est représentative de la création, et non de la consommation littéraire et culturelle.

Que dire si aujourd’hui, la bibliothèque devait systématiquement proposer dans ses périodiques les titres les plus populaires comme Voici, Télé7 jours, Femme actuelle ou France Dimanche, sous prétexte que leur tirage et donc leur audience, sont plus importants que le quotidien local ou le magazine à faible tirage que sont les Cahiers du Cinéma, La Tribune ou Arts Magazine.

La notion de demande et de besoin est à mettre en relation avec celle de mission de la bibliothèque publique. La conquête de nouveaux marchés ne peut se faire au détriment des missions de la bibliothèque publique ; le patrimoine, la diffusion du savoir et des connaissances, l’accès à la culture et à l’information, le respect de la diversité de la production culturelle d’une part, et de la diversité des courants de pensées et d’opinions d’autre part.

La démarche marketing doit ici être un compromis intelligent entre la satisfaction des besoins de l’usager d’une part, et la conduite et le succès des missions confiées à l’établissement d’autre part.

L’approche marketing d’une bibliothèque pourrait se fixer en outre un objectif supplémentaire : celui d’une offre qui créerait, susciterait la demande, par une connaissance pointue de son environnement, et en particulier la typologie de ses publics.

Les stratégies de l’offre obéissent à un certain nombre d’impératifs qui ne peuvent se résumer à une simple adaptation à des besoins identifiés, ce qui ne signifie pas qu’elles n’ont pas à les connaître.

Le marketing sociétal : technique permettant « l’analyse, la planification, la mise en oeuvre et le contrôle de programmes conçu pour créer, développer et maintenir un courant d’échange mutuellement satisfaisant avec les marchés visés, dans le but d’atteindre les objectifs d’une organisation. » (Kotler, 1969)

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