12 mai 2008
Informatique et bibliothèques (1)
Les impacts sur la conservation et le traitement des collections :
En ce qui concerne la conservation des collections, les politiques de numérisation de ces dernières années ont servi plusieurs objectifs. Elles ont d’abord permis la sauvegarde d’un patrimoine précieux, rare et fragile.
Les documents anciens, malgré un accès limité et réservé à un public spécifique, sont fragilisés à chaque consultation. Leur conditions de stockage, si elles limitent ou retardent leur vieillissement, ne l’arrêtent pas pour autant. La numérisation s’est imposée comme une opération de sauvetage et non plus seulement de sauvegarde d’un patrimoine unique. Ce qui est vrai pour les manuscrits enluminés l’est aussi pour les bobines de film du Centre National de la Cinématographie ou plus simplement pour les cassettes VHS de nos bibliothèques municipales.
La numérisation a de fait induit une valorisation du patrimoine numérisé ; chaque document qui en fait l’objet sort de sa « réserve », aux sens propre et figuré, et est porté à la connaissance du public. Il est inventorié, catalogué, diffusé, fait l’objet d’expositions ou de publications nouvelles, autant d’opération qui permettent de le mettre en valeur et de le faire connaître.
L’autre effet de la numérisation concerne bien sûr sa consultation. Sans contact direct avec le document original, celui-ci en est évidemment préservé. Par ailleurs, cette consultation est facilitée par les outils utilisés pour visionner cette ressource numérique, qui vont permettre par exemple une observation plus fine d’une illustration en zoomant ou encore d’imprimer tout ou partie d’un document, d’y insérer des signets pour favoriser la navigation dans le document.
Le coût très élevé de la numérisation d’un fonds vient toutefois modérer l’enthousiasme suscité par ces opérations, et les bibliothèques se doivent de les prioriser. Par ailleurs, la conservation des supports numériques pose elle aussi de nouvelles questions ; durée de vie des supports eux-mêmes, évolution des formats de données, compatibilité avec des systèmes informatiques en constante évolution.
Le numérique a également fait son entrée dans les collections de nos bibliothèques sous la forme de nouveaux supports de documents. L’arrivée notamment des cd-rom dans les bibliothèques a enrichi les fonds, mais aussi a permis un nouvel accès à l’information, plus technique certes, mais aussi souvent plus intuitif, parfois plus ludique, moins linéaire.
Là aussi des questions de conservation des supports, mais aussi de l’évolution des logiciels et systèmes d’exploitation sont posées. Un cd-rom publié au début des années 90 sous un environnement MS-DOS ne peut plus être lu aujourd’hui sous la dernière version de Microsoft Vista. Dans certains cas, la conservation d’un document doit s’accompagner aussi de celle de son environnement informatique.
Parmi les nouveaux documents qui sont entrés à la bibliothèque, il me semble important de parler ici des ressources dématérialisées, délocalisées que sont les documents en ligne.
Dans le cas des périodiques par exemple, la bibliothèque peut proposer à ses usagers la consultation des archives de tel ou tel quotidien de presse. Là où il fallait se déplacer dans le magasin, trouver la boîte contenant le numéro demandé par l’usager, espérer que celui-ci ne serait pas manquant et contiendrait bien l’information recherchée, la navigation dans les bases de données d’articles permet une recherche plus fine, le plus souvent sur le texte intégral, une consultation plus aisée et immédiate.
Ce nouveau service n’est pas sans poser problème, notamment en terme de coût, ceux pratiqués par les agrégateurs de presse du marché comme Europress ou PressEDD étant très élevés, limitant l’accès à ce service aux grandes bibliothèques disposant du budget nécessaire.
En outre, les restrictions sur la reproduction des documents consultés, et a fortiori sur leur conservation, limitent encore les apports de ces nouveaux documents.
Autre support éphémère s’il en est, les sites Internet, auxquels les bibliothèques favorisent l’accès par la mise à disposition de postes connectés et parfois la création de sitothèques, rencontrent l’adhésion d’un large public.
Ces ressources posent elles aussi de nombreuses questions ; conservation de documents qui évaluent constamment, traçabilité des informations et de leurs auteurs, fiabilités des informations diffusées… L’exemple de Wikipedia, encyclopédie participative et gratuite sur Internet, est parlant. Il s’écoule parfois plusieurs semaines entre le moment où un article est déposé par un internaute et celui où le comité de rédaction valide ou non les informations proposées.
On ne peut enfin parler d’informatique dans les bibliothèques sans évoquer le traitement même des collections. L’informatisation des catalogues de bibliothèques, mais aussi des opérations connexes telles que les acquisitions ou les transactions de prêt, a bouleversé le quotidien du bibliothécaire et celui de ses usagers.
De la notice dactylographiée en autant d’exemplaires que l’on avait défini d’accès, à la notice récupérée auprès d’un fournisseur tel qu’Electre par exemple, la mutation n’est pas anecdotique. Les tâches les plus répétitives du bibliothécaire sont concernées et libèrent ainsi du temps pour des activités qui font partie intégrante de son cœur de métier ; traitement intellectuel des documents, médiation avec l’usager, valorisation des collections, etc.
On l’a vu, l’informatique a profondément modifié le quotidien des bibliothécaires. L’informatique a d’abord été un outil permettant un gain de temps inestimable sur des tâches répétitives. C’est ensuite devenu un support d’information, et si de nouvelles questions se posent en raison des formats et des modalités d’accès de ces documents, elles concernent, comme tout autre document, la conservation, la consultation, les acquisitions. Les missions d’enrichissement, de conservation, de traitement des collections sont toujours d’actualité, plus que jamais peut-être ; l’informatique ne les change pas. Les bibliothèques doivent intégrer ces nouveaux questionnements et « mettre à jour » leurs pratiques en tenant compte et en assimilant les évolutions technologiques de la société d’information moderne.
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