18 mai 2008

Qualité, quantité, efficience et performance

La LOLF, loi organique relative aux lois de finance, a introduit ces dernières années une nouvelle approche de la dépense publique de l’Etat. Rompant avec la tradition de renouvellement systématique à 90% des budgets octroyés l’année précédente à tel ministère, la LOLF introduit la notion d’objectifs et d’évaluation de la performance des politiques publiques, ainsi que celle de transparence vis à vis de l’organe législatif, par opposition à un budget mis en place par rapport aux moyens, comme précédemment. Ainsi, schématiquement, un budget est attribué par rapport à un objectif précis et évaluable. Cette évaluation porte sur l’efficience de l’action publique (le rapport entre les moyens mis en œuvre et les résultats obtenus), la qualité du service rendu (la satisfaction des usagers), ses impacts socio-économiques. Si aucune loi n’impose aujourd’hui ce mode de gestion budgétaire à la Fonction Publique Territoriale, nombreuses sont les collectivités territoriales qui en ont adopté tout ou partie des grands principes.

Cette nouvelle approche de la dépense publique pose de nombreuses questions liés à l’évaluation des actions publiques, dans le milieu des bibliothèques publiques comme ailleurs. La justification des dépenses nécessite aujourd’hui la mise en place de véritables tableaux de bord d’activités des services publiques. Elle pose la question de l’évaluation quantitative et qualitative des actions menées.

Sur l’aspect quantitatif, les bibliothèques publiques ont depuis longtemps rendu des comptes ; les enquêtes sur la lecture publique menées par la DLL produisent chaque année un paysage statistique de l’action des bibliothèques publiques, par le biais des enquêtes adressées aux bibliothèques et exploitées par les services statistiques de la DLL.
Les indicateurs portent sur :
  • les personnels ; en nombre, en masse salariale, en répartition personnels qualifiés et non qualifiés,
  • les collections ; volume et budget d’acquisitions, volume global des collections, diversité des supports achetés,
  • les usagers ; nombre d’inscrits dans les bibliothèques (information primordiale puisqu’elle définit la contribution forfaitaire de l’Etat aux auteurs dans le cadre de la loi sur le droit de prêt de 2003), nombre d’emprunts.
Ces éléments permettent d’obtenir un portrait quantitatif des bibliothèques publiques sur une période donnée. Elles ne contextualisent pas ces données, ni par rapport au territoire, et à la politique territoriale en matière de lecture publique, ni par rapport au temps, c’est à dire en terme d’évolution au regard des enquêtes précédentes. Elles ne portent que sur une partie des activités des bibliothèques ; elle n’évaluent pas les partenariats établis, les animations réalisées (nombre et fréquentation), pas plus que la satisfaction des usagers ou l’impact socio-économique de l’action de la bibliothèque. Dans les normes actuelles portant sur l’évaluation de la performance des bibliothèques publiques, et notamment la norme ISO 11260, ces éléments ne sont que le premier volet de cette analyse, à savoir l’existant (ressources et infrastructure) et pour partie l’utilisation faite de ces ressources.
Cette norme pose pour principe de l’évaluation de la performance trois grands axes ; objectifs, moyens et résultats, ainsi que les relations entre ces trois axes ; pertinence des moyens par rapport aux objectifs, efficience des moyens par rapport aux résultats obtenus, et efficacité globale par la mesure de l'écart objectifs - résultats. On est loin ici d’une analyse purement chiffrée de l’activité. Si les chiffres sont évidemment la source de l’analyse, ils ne sont pas l’analyse, et ce sont bien les relations entre les différents indicateurs qui permettent de mesurer non pas l’activité de la bibliothèque dans un absolu décontextualisé, mais la performance réalisée, celle-ci tenant compte pour la mesure finale du résultat des objectifs de départ et des moyens mis en place. Une performance « médiocre » nécessitera une réflexion voir une mise à plat des objectifs et des moyens. Des objectifs sans moyens ne seront pas atteints, des objectifs mal définis parce que trop ambitieux ou pas assez donneront des écarts importants avec les résultats, et nécessiteront une révision, à la hausse ou à la baisse de ces objectifs.
L’analyse de la performance devient alors un outil pour les bibliothèques dans la négociation de leurs objectifs, fixés par des non-professionnels (élus, politiques), dans celle de leur moyens. Elle devient également un formidable outil de communication et dans le meilleur des cas de valorisation des activités. Une bibliothèque pourra ainsi mettre en avant l’évaluation du coût humain sur des opérations de catalogages des documents et en comparaison le manque de moyen humain dans une autre activité afin d’obtenir de sa tutelle un budget pour l’abonnement à un service de récupération de notices bibliographiques.

Avec cette norme cependant, l’évaluation porte principalement sur des sources chiffrées au départ, rendant l’analyse des résultats, même si elle est mise en perspective avec les moyens et les objectifs, purement quantitative. L’évaluation qualitative de l’activité est également à développer, car elle vient soutenir des actions qui, bien que quantitativement négligeable, sont des actions majeures de la bibliothèque. Une activité de portage de livre à domicile ou auprès de collectivités est, les expériences le montrent, très consommatrice en moyens humains et par extension financiers. Le portage de livres auprès de familles défavorisées en secteur rural réalisé en partenariat avec ATD Quart Monde en Ille et Vilaine par exemple a concerné, la première année de sa mise en place une trentaine de familles. Dans une analyse purement quantitative, cette activité semble contraire avec l’idée même d’efficience ; une analyse fine de la satisfaction des familles concernées, mais aussi le retour des partenaires de terrain avec lesquels l’action a été menée, permet de présenter aux élus la valeur d’une telle action, son importance, et sa justification dans une politique culturelle de territoire. Elle peut permettre, idéalement en tous cas, pour généraliser son succès, la mise en place de moyens plus importants de la part de la tutelle.

L'analyse de la performance, qui se situe bien au delà d'un simple évaluation des résultats, associée à une analyse qualitative de nos services, doit permettre à la bibliothèque publique d'être confortée dans ses missions fondamentales, de valoriser son action et, c'est l'essentiel, de se projeter dans ses futures réalisations, forte de la conscience de son rôle et de son impact auprès de ses publics.

A consulter sur le sujet ; le dernier BBF 2008 - 3

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