6 mai 2008
Les exemples néerlandais et britannique
Je viens de relire deux articles du BBF de janvier sur l'Europe ; les bibliothèques publiques au Pays Bas et Les Idea Store.
C'est passionnant, j'ai l'impression de toucher là un sujet primordial dans ce que doit ou peut être l'offre de bibliothèque pour ces prochaines années, mais aussi des écueils que selon moi elle devrait éviter !
Les Idea Store tout d'abord. Voilà une illustration de cette démarche marketing dont je parlais il y a quelques jours. Les bibliothécaires anglais du borough de Tower Hamlets (que je connais bien pour y avoir habiter dans les années 89-90) étaient confrontés à une fréquentation médiocre, un nombre d'inscrits très éloigné de la moyenne nationale et ont donc décidé de tout mettre à plat, de repenser intégralement leur service de bibliothèque publique. La première stratégie a consisté à reconsidérer l'emplacement des bibliothèques, leur architecture, et leur amplitude d'ouverture. Je suis séduit ! Une bibliothèque ouverte 357 jours par an ! Le bonheur pour l'usager que je suis ! Mais où sont ils aller chercher leurs moyens financiers ?! Un tel investissement en personnel en particulier est il seulement imaginable en France à l'heure des suppressions de postes dans la fonction publique ? Autre innovation, dans les services cette fois ; un partenariat étroit avec le Lifelong learning service, l'équivalent d'un CNED mixé avec l'AFPA si je comprends bien. Là l'ancien formateur que je suis frémis... d'enthousiasme ! La bibliothèque comme offre privilégiée d'auto-formation, comme les espaces de la BPI et de la médiathèque de la Villette le proposent déjà, et je me projette dans mon rôle de médiateur auprès des usagers avides d'apprentissages et de nouvelles connaissances. La suite de l'article m'a fait un peu déchanté ; l'approche commerciale avec l'uniforme pour tout le personnel (un badge n'aurait il pas suffit ?), le poste de "chef de rayon", l'organisation de speed dating (!) et l'autorisation des téléphones portables... N'y a-t-il pas là un soupçon de démagogie ? Le responsable interviewé reconnaît qu'une partie des usagers plus traditionnels, plus âgés aussi, a été un peu négligée par cette petite révolution. L'article de Wikipedia sur le sujet pose de vraies questions, sur l'approche communautaire (ou communautariste) de la bibliothèque, sur le personnel non professionnel, recruté sur des connaissances linguistiques plutôt que bibliothéconomistes, sur l'absence de services génériques, tout public, à la faveur de fonds spécialisés pour les communautés du quartier. Surprenant concept, intéressant par bien des points, mais dérangeant par d'autres pour le système français... L'équilibre reste à trouver entre le communautarisme anglo-saxon et la proximité des territoires à la française !
Les Pays Bas ont encore une autre approche, avec quelques points communs avec les idea store, mais quelques spécificités aussi. D'abord une association de bibliothécaires puissante d'après l'article, qui milite pour un personnel qualifié et professionnel. Un plus donc. Autre particularité, la centralisation du traitement du livre, des acquisitions à l'équipement du document, en passant par son catalogage et son indexation ! Je sais qu'en matière de catalogage, nos bibliothèques françaises s'y mettent petit à petit, avec Electre ou le CCfr pour la récupération de notices, et les catalogues des BDP pour les petites bibliothèques. Et je serais le dernier à m'en plaindre, le catalogage n'ayant pas été ma matière favorite à l'IUT...
Pour ce qui est de l'indexation, quand intervient donc la prise de connaissance par le bibliothécaire de son fonds ? N'est-ce pas là le moment privilégié pour toucher, feuilleter, parcourir le document qui arrive, et ainsi être à même de le conseiller ensuite ? L'avantage mis en avant par les bibliothèques néerlandaises est le temps libéré pour se consacrer aux usagers et là, je suis à 100% d'accord. Mais si je suis disponible pour conseiller les usagers, sans avoir la connaissance indispensable de mon fonds, quel genre de conseils puis je délivrer ?...
Sur les équipement, tout, d'après l'article, semble moderne, ambitieux architecturalement parlant, ouvert sur la lumière naturelle, original dans le choix du mobilier, etc. Là aussi se pose la question des moyens financiers...
Sur les collections, l'article nous explique que l'organisme centralisateur associe le public et les communautés ethniques, religieuses, sociales aux choix d'acquisitions. Je voudrais voir le résultat. Le laïc que je suis frémis à l'idée qu'un représentant religieux quel qu'il soit puisse avoir une quelconque influence sur l'achat de documents dans une bibliothèque publique... On parle aussi d'une collection pour la communauté homosexuelle... Qu'en est-il de la communauté des familles mono-parentales, de celle des célibataires, de celle des personnes à surcharge pondérales, des roux, des blonds, des bruns ; ont-elles toutes leur rayonnage spécifique dans la bibliothèque ?! L'idée de "caser" un individu dans une catégorie, et de lui proposer des ressources qui sont un dénominateur commun pour cette catégorie m'horripile ! N'est-il pas plus intelligent de promouvoir la construction individuelle avant la communautaire ? La bibliothèque n'est-elle pas le lieu de la diversité, de l'échange inter-culturel, un "lieu des liens" ?! Si je conçois et défends une offre en langues étrangères pour des minorités ethniques par exemple, je les vois comme un simple "produit d'appel", qui permet d'intégrer ces minorités et de leur faire profiter de TOUTES les ressources de la bibliothèque, mais en aucun cas comme une règle d'acquisition des collections.
Deux articles passionnants, parce qu'il me permettent d'affirmer ma position par rapport à ces démarches, très "Europe du nord", qui, si elles présentent des innovations et avantages intéressants, ne doivent pas nous faire oublier les grands principes de la vie en communauté à la française, qui n'a rien à envier à nos voisins...
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