15 septembre 2008

Espaces et usagers

Editorial du BBF 2008 N°04
Le théâtre du savoir, Yves Alix

En partant d'une définition très traditionnelle de la bibliothèque, "des collections documentaires conservées dans des espaces", Yves Alix introduit la notion de visibilité de ces collections, qui se décline à travers non seulement les différents types de bibliothèques, mais aussi les modes d'accès, de communication aux documents. Dans la mission ainsi définie de "rendre visible", l'espace joue un rôle déterminant et à l'heure de l'augmentation de la fréquentation des bibliothèques publiques, et de leur place dans la ville, il questionne cette organisation de l'espace au regard non plus de la seule fin de conservation, mais de celle de la communication et de l'accès au plus grand nombre.
Il compare ainsi l'agencement des espaces à une représentation théâtrale où les collections sont mises en scène par les bibliothécaires pour un public d'usagers. Il écarte l'hypothèse d'une dématérialisation de la bibliothèque avec le développement des bibliothèques numériques, pour affirmer qu'aujourd'hui, un travail reste à faire sur l'organisation des espaces et l'agencement des collections pour en faciliter l'accès. Il suggère que la bibliothèque s'inspire d'autres lieux culturels comme la librairie, les archives, les musées, les centres de documentation, pour utiliser certaines des méthodes appliquées dans ces lieux à la diffusion, la communication des œuvres ou documents.
Il conclut en réaffirmant le rôle du bibliothécaire dans ce travail, celui d'un "passeur".

Il est indéniable que les dernières décennies ont vu les missions des bibliothèques changer de perspective, pour, sans bien sûr abandonner le point de vue des collections, orienter ses missions autour d'un objectif majeur : l'accès au public. De guichets incontournables pour accéder à un document, on est passé aux larges espaces d'accès libre et direct dans les bibliothèques publiques. Dans les nouvelles médiathèques, l'architecture s'est mis au service de la communication, la circulation dans les collections, la consultation des documents, la valorisation des œuvres. Aux tables et chaises d'études, on a ajouté fauteuils et tables basses, espaces d'écoutes, de lecture de la presse, de visionnage de vidéos... En facilitant l'accès et la consultation, ce sont bien les collections que l'on a mises en valeur ; on a ainsi permis cette interaction dont parle Yves Alix entre les usagers et les documents ; on ne peut imaginer une collection musicale sans postes d'écoute, une salle d'usuels sans les tables d'étude à proximité immédiate. On trouve de plus en plus de postes de visionnage pour accompagner les collections grandissantes de DVD dans nos médiathèques.
Les exemples extérieurs, observés chez nos partenaires ont déjà été intégrés dans de nombreuses bibliothèques publiques ; les tables de livres des libraires se retrouvent dans nos rayons pour mettre par exemple en valeur les dernières acquisitions. Les campagnes de numérisation des documents les plus anciens, livres, mais aussi des fonds jusque là exclus d'une communication systématique du fait de leur forme tels que les photos anciennes, les estampes, les cartes postales anciennes sont accessibles sur des ordinateurs, à distance ou dans les locaux mêmes de la bibliothèques. Les expositions liées au patrimoine écrit se multiplient, s'inspirant ainsi d'un domaine jusque là réservé aux musées. Les animations, parmi lesquelles la lecture de contes pour les plus jeunes publics, ou encore l'organisation de concerts, empruntent leur démarche au théâtre et à la salle de spectaple.
Dans cette volonté affichée d'exploiter et organiser les espaces au service de la communication du savoir et de la culture, le métier de bibliothécaire s'est enrichi de multiples facettes, empruntées à d'autres métiers venus de ses partenaires culturels. Sa difficulté réside aujourd'hui dans l'espace qui lui est confié ; toutes les bibliothèques publiques ne sont pas des bâtiments flambant neufs et architecturalement "ambitieux", pensés et construits avec l'usage des collections comme point de vue essentiel.

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